Fatum
Autour de moi, j'entends souvent : "Si je voulais, je pourrais sortir avec quelqu'un, comme ça, pour une nuit..."
Mais ils semblent ne pas vouloir le faire. Pas envie de vivre une histoire sexuelle passagère.
Ils ne savent pas la chance qu'ils ont. Ils n'osent pas aller provoquer les choses.
Moi, ce n'est pas que je ne voudrais pas... C'est que je ne peux pas.
Je n'ai malheureusement pas la liberté de m'offrir ces libertés.
Après, c'est sûr que ce n'est pas non plus mon idéal.
Mais quand même... Rattraper le temps perdu, ma jeunesse inutile, inutilisée.
Et puis même si c'est passager, ça n'empêche pas les sentiments. J'en sais quelque chose.
Ce n'est pas la quantité qui fait la force d'un amour. Et quantité de quoi ? De mois, de rapports ?
Et qui décrête qu'une histoire sera passagère ? On ne le sait pas avant de s'y confronter.
Non... De toute façon moi c'est différent : à chaque fois, j'ai aimé absolument.
Et puis, j'ai de la chance : après tout ce temps, je ne crois plus trop en l'amour, et je me suis habitué à ne pouvoir faire quoi que ce soit qui réponde à mes désirs les plus profonds (comme flâner dans ma ville, passer des journées à déambuler pour faire des photos, voir des amis et partager des activités avec eux, du sport, faire des rencontres les plus diverses et enrichissantes, aller à des concerts, dans des bars, dans des soirées, au cinéma, ou monter un groupe et donner des concerts, faire de la scène, partir en tournée - ce à quoi je me destinais quoi - écrire et réaliser des films, voyager, avoir des enfants, faire des projets, aller vivre ailleurs, commencer ma vie...)
Donc je crois être en mesure de vivre des aventures éphémères et décevantes.
Pour moi ce serait une certaine idée du bonheur.
J'aimerais bien pouvoir partager ma petite vie avec des demoiselles, pendant une nuit, une journée, un week-end, une semaine, deux semaines, un mois, trois mois, un an...
Le temps qu'elles se lassent. Le temps qu'elles jugeraient suffisant pour me jauger.
Comme la dernière qui a bien voulu de moi, finalement.
Malgré sa fuite au bout de dix jours, j'ai eu droit à un petit détour au pays des merveilles.
Je pense que je saurais m'adapter à ce mode de vie, le cas échéant. Choir, j'ai l'habitude.
Mais... faire des rencontres, respirer autre chose que ma décrépitude, avoir en tête autre chose que mon angoisse existentielle, voir quelqu'une vivre sous mes yeux, retrouver l'impression d'exister, goûter la nouveauté, attendre le retour de la belle, apprendre les diverses facettes de la femme sous des visages et des corps différents.
Des identités multiples, et toutes remarquables. Multiplier les expériences, les erreurs, pour mieux les éviter.
Et peut-être me rapprocher à chaque rupture d'un amour plus fort que les autres. De l'Inespérée.
J'aime tellement les femmes et l'amour que je suis prêt à les aimer toutes les unes après les autres.
Autant dire aucune véritablement, puisque ce serait un mouchoir de soie posé sur ma solitude.
Mais je ne peux me résigner à penser que je ne pourrai plus jamais aimé et être aimé.
Alors j'ose exprimer l'idée. Pour espérer provoquer les faveurs du destin.